Lettre intime à mes pèlerins
Daria Klanac, Lettre intime à mes pèlerins : sur les chemins rocailleux de Medjugorje, j'ai marché avec vous, Éditions Sakramento, Paris, 2015, (ISBN 978-2-915380-86-6), pages 37 à 39.
Pendant notre séjour, nous avions l’occasion de rencontrer des gens d’autres pays francophones. Un jour quelqu’un m’a présenté l’abbé René Laurentin, journaliste, théologien, mariologue français[6]. Quand il a su que je parlais croate, il m’a tout de suite proposé de faire, avec lui, le tour du village des voyants pour lui servir d’interprète. Merci, mes amis, de m’avoir donné la permission de vous laisser seuls pour une demi-journée.
L’abbé Laurentin avait déjà commencé à étudier les événements de Medjugorje. Ce n’était pas sa première visite sur les lieux. À la demande des évêques français, il a publié des études sur Lourdes, Pontmain, la rue du Bac et d’autres lieux. Il était considéré comme une autorité dans le domaine des apparitions. À Medjugorje, il est venu de lui-même, sans être invité par personne.
Ce jour-là, il voulait vérifier le lieu exact de la toute première apparition sur le chemin de Podbrdo. Nous avons demandé à Milka, celle qui a vu une seule fois, le premier jour des apparitions, de nous identifier l’endroit. Elle s’en souvenait comme si c’était hier. Ensuite, nous avons fait venir Ivanka qui a eu des apparitions jusqu’au mois de mai 1985. Elle nous a indiqué le même lieu.
[p. 38]Pendant que l’abbé Laurentin notait tout dans son petit bloc-notes, j’ai repéré une pierre qui me servira à reconnaître cet endroit lors de mes futures visites. Le jour, où des années plus tard, j’ai découvert qu’elle n’était plus là, j’ai réalisé que les transformations que subissait le village n’enlèveraient pas seulement ma pierre, mais d’autres repères qui faisaient le charme et l’originalité de mes premiers pèlerinages. Mon adaptation douloureuse au changement n’est pas achevée, et ne le sera jamais, mais ne vous inquiétez pas, je ne vous en ferai pas subir les conséquences. La qualité de votre pèlerinage ne dépend pas de l’aspect extérieur des lieux.
L’abbé Laurentin est parti content, avec son cahier de notes bien rempli d’où il sortira probablement un livre. Il a la plume facile. C’est un érudit. L’ensemble de son œuvre complète comprend plus d’une centaine d’ouvrages. Lors d’une visite chez lui, à Paris, je me suis rendu compte de son immense talent d’auteur. Il s’abreuve à l’Évangile comme à une fontaine d’où ne cesse de couler l’eau vive de son intelligence, de ses connaissances et de son intuition. Il avait une capacité prodigieuse de synthèse. Je lui dois beaucoup. Il m’a incessamment encouragée à continuer mes recherches, même si nous n’étions pas d’accord sur tout, notamment quand il était question de discerner certaines révélations ailleurs dans le monde.
Néanmoins, grâce à lui, cette fois-ci, j’ai reçu une nouvelle mission. L’étude des premiers jours des apparitions va devenir ma passion.
L’abbé Laurentin: – Daria, s’il te plaît, va consulter les archives de la paroisse. Demande aux franciscains de t’aider.
Les franciscains: – Quelles archives? Nous n’en avons pas. Tout a été confisqué par la police dès le début des apparitions.
En effet, à la mi-juillet 1981, la police avait fait une perquisition au presbytère et saisi tout ce qui lui semblait douteux et [p. 39]subversif. Au même moment, le père curé[7] a été arrêté.
L’abbé Laurentin et moi avons été très déçus de leur réponse, mais pas découragés. J’étais déterminée à aller plus loin dans mon enquête.
Quelque temps plus tard, j’ai appris qu’un certain paroissien, Grgo Kozina, avait dans son grenier de vieilles cassettes audio. Il était le seul au village à posséder un magnétophone à cassettes. Les franciscains lui confiaient la tâche de suivre les jeunes dans leurs déplacements. Je me rendis chez lui et j’y ai trouvé, enregistrée sur des cassettes jetées pêle-mêle dans une simple boîte en carton, toute l’histoire des premiers jours. Grgo m’a fait des copies et je l’ai quitté heureuse d’avoir trouvé ce trésor. Cet homme humble, simple, dépouillé, sans prétention aucune, va passer à l’histoire comme celui qui a gravé le son de la parole vivante des dix premiers jours de ces événements. Grâce à son ingéniosité et à son intérêt pour la technologie, ces précieux documents ont été préservés.
6. Aujourd’hui Monseigneur Laurentin. [↩]
7. Il s’agit du père Jozo Zovko. [↩]