Lettre intime à mes pèlerins

Fête-anniversaire à l'ombre des clochers

Daria Klanac, Lettre intime à mes pèlerins : sur les chemins rocailleux de Medjugorje, j'ai marché avec vous, Éditions Sakramento, Paris, 2015, (ISBN 978-2-915380-86-6), pages 35 à 37.
 

 

[p. 35] 

 

Fête-anniversaire à l'ombre des clochers

 

– Maman, c’est pour toi.

J’ai pris le téléphone. Les responsables d’un groupe de prière voulaient me rencontrer en vue d’un pèlerinage pour le mois de juin 1986. J’étais encore en décalage horaire, mais toute remplie d’une belle expérience. Comment dire non à ces gens qui semblaient animés d’une grande ferveur?

Le groupe était très motivé et bien préparé pour la rencontre. J’ai donné mon témoignage et répondu à leurs questions. Qui es-tu? D’où viens-tu? Comment cela se passe-t-il là-bas? Est-ce bien vrai tout ce qu’on raconte? Quel est le dernier message? Que dit l’Église?

À la fin de l’entretien, nous nous sommes quittés en chantant. Préoccupée par le fait qu’il me faudra de nouveau m’absenter, j’ai essayé de me trouver une raison: les apparitions durent depuis cinq ans, donc cela devrait se terminer bientôt. Depuis le début, on en prédit la fin. Un phénomène pareil est rare dans l’histoire de la chrétienté.

À la veille du départ, c’est encore le même scénario: l’organisation, les recommandations, le découragement et le regret, car aussitôt partie, je désire vivement revenir, sans que cela m’empêche de vivre pleinement mon voyage. Il suffit de se détacher un peu pour mieux aimer.

Cependant, tous les membres de ma famille ne réagissaient pas de la même manière à mon absence. J’avais des enfants plus sensibles que d’autres. Mais c’était plus fort que nous. Tous, comme soumis à un impératif qui les dépassait, m’octroyaient un laissez-passer dans l’espoir que c’était peut-être le dernier! Moi aussi je le souhaitais.

Quelques jours avant le 25 juin, date de l’anniversaire des apparitions, on voyait couler dans le village comme un fleuve [p. 36]humain: les pèlerins affluaient de partout. Les deux clochers de l’église Saint-Jacques, patron des pèlerins, telles deux colombes, attiraient les foules comme un aimant. On aurait dit qu’elles cachaient sous leurs ailes le secret de la vraie vie. À l’ombre de ces tours blanches, je sentais se déverser sur moi une paix profonde.

J’avais préparé pour vous un programme d’activités différent chaque jour et qui n’était pas toujours facile à réaliser. À cause du grand nombre de pèlerins, il fallait s’attendre à des changements d’horaire pour les conférences, les visites, les rencontres. La phrase que j’ai si souvent entendue: «nema problema[5]», était devenue la mienne, car j’avais vite compris qu’il me fallait vivre au jour le jour et ne tenir ni agenda ni compter sur la programmation de la veille. Chaque matin commençait par: «à partir d’aujourd’hui» et nos journées se remplissaient au fur et à mesure, à la satisfaction de tous.

C’est l’art de vivre enseigné par Marie. Vous avez bien vu, chers pèlerins, que nous avons été comblés au-delà de nos espérances. C’est un endroit pour vivre pleinement sans se soucier du lendemain. Je vous ai trouvés formidables dans cette adaptation où je devais improviser chaque jour.

Une chose, par contre, est fixée d’avance et ne change que deux fois l’an, au printemps et à l’automne, selon l’heure d’été ou celle de l’hiver, c’est la célébration de l’office du soir, la liturgie de la Messe, à laquelle les pèlerins et la communauté locale participent ensemble. C’est l’événement marquant de la journée.

À Medjugorje, cependant, personne n’est obligé d’assister aux offices, car la liberté personnelle, dans la pédagogie enseignée à l’école de Marie, est respectée avant toute chose. Mais on dirait que les cloches qui sonnent au début des célébrations sont entendues par beaucoup comme une invitation à un rendez-vous amoureux à ne pas manquer. L’église se remplit vite. Il manque de place.

[p. 37]Qu’est-ce qui pousse un étranger à écouter la Messe en langue croate, une longue homélie et à rester sur place durant deux, trois heures d’affilée? Pour moi, c’était comme ce phénomène biblique où les apôtres, parlant aux foules d’origines, de langues, de cultures différentes, se faisaient comprendre de tous. Vous, mes chers Canadiens, de langue française, vous en étiez les témoins.

 

5. Il n’y a pas de problème. [↩]

 

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