Medjugorje : Réponses aux objections — Chapitre V
Daria Klanac, Medjugorje : réponses aux objections, Le Sarment, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2001, ISBN 2-866-79322-6), chapitre v, pages 61 à 67.
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• Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch: Les secrets | Les signes
• Histoire des apparitions
Au printemps 1982, je demandai aux « voyants » d’écrire ce qu’ils savaient à propos de ce signe, sans dévoiler le « secret ». Je leur suggérai d’écrire l’information en double. On scellerait l’enveloppe et la copie. Ils garderaient un exemplaire, et l’autre serait confié à l’évêque. Quand le « signe » se produirait, nous pourrions ouvrir les enveloppes et voir s’il avait été ou non prédit… Ivan était à ce moment-là au petit séminaire franciscain, à Visoko, en Bosnie, et il n’en fut pas informé à temps. Deux membres de la première Commission, le Dr Zovkić et le Dr Puljić, à présent évêque de Dubrovnik, vinrent à Visoko rendre visite à Ivan. Ils lui remirent une feuille de papier de couleur tirant sur le vert avec des questions imprimées. Ivan écrivit le contenu du « signe », data le document et le signa en leur présence, sans dire un mot ni manifester aucune crainte.
[p. 62]Quelques années plus tard, Laurentin écrivit qu’Ivan lui avait dit personnellement qu’il n’avait rien écrit sur cette feuille de papier et qu’il avait dupé les deux membres de la Commission.
Le 7 mars 1985, trois membres de la Commission allèrent demander à Ivan si ce que Laurentin avait écrit était vrai. Ivan dit que oui, qu’ils pouvaient librement ouvrir l’enveloppe à la chancellerie car ils n’y trouveraient qu’une feuille blanche. Ils revinrent à Mostar où la Commission s’était réunie et, devant tous les membres, ils ouvrirent l’enveloppe. Dans l’enveloppe, sur une feuille de papier un peu verte, ils trouvèrent écrit le contenu du « signe » : « Notre Dame a dit qu’elle laisserait un signe. Je révèle le contenu de ce signe et je vous le confie. Le signe est qu’“il y aura un grand sanctuaire à Medjugorje en l’honneur de mes apparitions, une basilique et une statue à mon image.” Quand cela arrivera-t-il ? Cela arrivera en juin. Daté : 9 mai 1982. Voyant : Ivan Dragićević. »[30]
Depuis le tout début des apparitions, les enfants ont demandé et attendu un signe qui confirmerait les apparitions de la Vierge. Gospa a promis de leur en donner un, cependant non pas selon leur volonté, mais selon le plan de Dieu. Lorsque peu après ils reçurent le secret du grand signe, ils n’éprouvèrent plus le besoin de l’interroger sur cette question.
[p. 63]Au cours des premières années des apparitions tous voulaient connaître les secrets, particulièrement celui qui touchait le grand signe. Je suis moi aussi passée par cette période de curiosité jusqu’au moment où j’ai compris qu’un secret est secret et que le connaître ne me ferait pas croître dans la foi. J’ai aussi compris combien il importe de respecter ceux qui ont à porter le secret. Il peut même arriver que la confidentialité ne soit jamais levée sur de tels secrets. Les secrets attirent l’attention sur la source surnaturelle du message; ils peuvent servir ultérieurement à en confirmer l’authenticité, mais ils n’ont pas en eux-mêmes valeur d’enseignement. La curiosité pourrait plutôt éloigner de l’invitation à vivre de foi lancée dans les messages.
En 1982, l’évêque du lieu avait demandé aux enfants de lui écrire le secret relatif au grand signe, en deux exemplaires qui seraient gardés sous scellés dans deux enveloppes séparées, une pour l’évêque et la Commission, et l’autre pour les voyants. Les enfants s’y sont refusés sans hésiter. La Commission leur a alors promis qu’elle n’ouvrirait l’enveloppe qu’au moment où le signe serait réalisé. Elle n’a réussi à convaincre ni les voyants à Medjugorje ni Mirjana à Sarajevo. Elle alla rejoindre Ivan qui se trouvait seul au séminaire, à Visoko, en Bosnie. Les membres chargés de cette tâche avait exercé des pressions sur Ivan et l’avait placé dans l’impossibilité de demander conseil à qui que ce soit. J’ai sous les yeux la copie du texte qu’il a écrit d’une main tremblante. J’ai d’abord cru que ce n’était pas son écriture, mais j’ai vérifié auprès d’Ivan qui a confirmé en être l’auteur. Un [p. 64]graphologue consulté par l’abbé René Laurentin a conclu que la personne qui avait écrit ce texte se trouvait dans un grand désarroi. Peu de temps après, Ivan conversant avec ce mariologue français, lui confia qu’il n’avait rien écrit. Avec la permission d’Ivan, certains membres de la Commission ont ouvert les enveloppes scellées. Ils ont ensuite diffusé leur contenu dans le monde entier comme preuve contre Medjugorje; de ce fait ils ont trahi la promesse de secret qui les liait devant la Commission sous la responsabilité de l’évêque, devant les voyants et devant le monde.
À mon avis, si Ivan a laissé ouvrir les enveloppes, c’est qu’il savait bien que rien de secret n’y était écrit. La description qu’il donnait du signe ne livre en fait aucun secret et peut laisser sa conscience en paix. En second lieu, cette déclaration ne contient aucun mensonge. Ivan, seul et soumis à des pressions, a dû de toute évidence recevoir l’aide d’En Haut.
D’après le témoignage des voyants, le troisième secret s’appelle, à Medjugorje, « le Grand signe ». La question posée par l’évêque ne faisait mention ni de « secret » ni de « grand ». « Quel signe Gospa va-t-elle donner ? » est sa question. Pour être plus précise, elle aurait dû être formulée ainsi : « Quel est le secret sur le grand signe que Gospa va laisser ? » ou peut-être : « Quel est le contenu du secret sur le grand signe ? » Je pense qu’il y a beaucoup de « signes » à Medjugorje, mais un seul est secret. L’imprécision dans la question ouvre la possibilité à un jeu de mots ou à une réponse vague. Ivan écrit simplement, sans point ni virgule : « Gospa a dit qu’elle va laisser [p. 65]un signe…, ce signe je vous le dis et vous le confie, c’est qu’il y aura un grand sanctuaire à Medjugorje en l’honneur de mes apparitions et ce sanctuaire sera à mon image. »
La deuxième question suit : « Quand le signe se produira-t-il ? » La réponse : « Le signe se produira au sixième mois. » La réponse n’indique ni un événement qui se produirait de façon extraordinaire ni de date précise. Donc Ivan n’a rien dévoilé de miraculeux. Cependant la réponse qu’il a donnée ne fait que rappeler ce qui se passe réellement à Medjugorje où, depuis le sixième mois de l’année 1981, dans l’église Saint-Jacques devenue sanctuaire, Marie est vénérée sous le vocable de Reine de la Paix. En outre, Ivan ne fait aucunement mention de basilique ni de statue, comme il est affirmé dans la traduction erronée de « l’objection » formulée par l’évêque.
Au printemps 1982, l’évêque Žanić déclarait dans une brochure de type pamphlétaire (page 9, § 16) : « J’ai demandé aux voyants de tout m’écrire sur le grand signe, naturellement de manière à ne pas dévoiler le secret. » Peut-on tout écrire sur le grand signe sans dévoiler le secret ? Dans sa formulation, Ivan a donc répondu à la question de façon entièrement satisfaisante en parlant d’un signe mais sans dévoiler le secret.
Dans son objection, Mgr Žanić affirmait que c’était Ivan qui avait dit avoir dupé la Commission. En vérité, ce n’est pas Ivan, mais le Dr Želimir Puljić, membre de la Commission, qui en a conclu qu’Ivan les avait dupés : [p. 66]« Nous regrettons que tu nous aies dupés et que tu l’aies dit ensuite à Laurentin. »[31]
À Lourdes, Bernadette a été interrogée par deux curés[32] :
« Diriez-vous votre secret au pape ?
— La Sainte Vierge m’a défendu de le dire à personne. Le pape est une personne. »
Le secret de Bernadette est resté secret et les curés l’ont respectée.
À Fatima, dans le premier récit que Lucie fait des apparitions, il est question de secrets :
Le curé nous a conseillé à tous les trois : « Vous faites bien, mes enfants, de garder pour vous et pour Dieu les secrets de votre âme. Lorsqu’on vous interroge sur cela, vous répondez : “Oui, la Dame nous a encore dit des choses, mais c’est secret. Elle nous a dit de ne le dire à personne. C’est pourquoi nous ne le dirons pas.” Ainsi vous allez garder votre secret comme la Vierge vous l’a demandé. »[33]
Dom Galamba disait : « Monseigneur, commandez-lui d’écrire tout, absolument tout. » Et vous, Monseigneur, avez répondu : « Non, je ne peux donner un tel ordre. Je n’entre pas dans les secrets. »[34]
[p. 67]Dans son quatrième récit Lucie fait cette réflexion sur les paroles de son évêque :
Que le Seigneur soit loué ! Autrement, l’ordre m’aurait mêlée et troublée.[35]
La manière avec laquelle la Commission d’enquête sur Medjugorje a mené son interrogatoire sur le secret du Grand Signe auprès d’Ivan se démarque de celle de Lourdes ou de Fatima ! L’insistance qu’elle a mise à obtenir son secret avait de quoi troubler ce jeune.
Après son expérience au séminaire à Visoko, Ivan est retourné parmi les siens à Medjugorje. Il continue de vivre et de grandir à l’école de Marie. Quelqu’un, qui l’a connu adolescent timide et qui le voit maintenant, a pu constater les grands changements opérés en lui. Ivan donne des témoignages empreints de simplicité et de bon sens, se considérant comme un simple instrument au service de Dieu et de sa Mère. Ce garçon, sans beaucoup d’instruction et sans diplôme, est devenu l’ambassadeur de Gospa de par le monde. Là se cache peut-être son secret…
30. Mgr Pavao Žanić, La Vérité sur Medjugorje, Mostar, 1990, § 16. [↩]
31. Cf. les entretiens des membres de la commission avec Ivan. [↩]
32. Jean-Paul Lefebvre-Filleau, L’Affaire Bernadette Soubirous, Cerf, 1997, p. 152. [↩]
33. Ives Ivonides, Fatima, da ili ne PHKD, Zagreb, 1997, p. 17. [↩]
34. Ibid., p. 127. [↩]
35. Ibid., p. 127. [↩]