Lettre intime à mes pèlerins
Daria Klanac, Lettre intime à mes pèlerins : sur les chemins rocailleux de Medjugorje, j'ai marché avec vous, Éditions Sakramento, Paris, 2015, (ISBN 978-2-915380-86-6), pages 41 à 42.
Le retour n’a pas été facile. J’ai souffert du décalage horaire qui m’empêchait de reprendre normalement ma routine familiale. Il y avait aussi un écart spirituel à surmonter. Je me sentais prise comme entre deux réalités: celle que je venais de vivre en voyage, avec vous, et la mienne, que je vivais au quotidien. Comment les intégrer l’une à l’autre sans tension? J’ai décidé de prier davantage et d’aimer encore plus. Tout un contrat qui ne garantit pas toujours une réussite.
[p. 42]Maintenant, j’avais plus de travail que jamais. Je me suis procuré un appareil audio et des écouteurs pour me concentrer sur l’écoute des cassettes que j’ai ramenées du grenier de Grgo. J’ai immédiatement réalisé qu’il s’agissait d’une documentation importante.
Le curé de la paroisse de Medjugorje, le père Jozo, interrogeait un par un, séparément, les enfants qui disaient voir la Vierge Marie, ceci du 4e au 7e jour des apparitions. J’ai commencé la transcription de l’original croate, soit 18 entretiens en tout. Je me suis lancée dans un travail de moine qui va s’échelonner sur plusieurs années et devenir pour moi un véritable champ de recherche. À la source même, j’ai puisé les arguments les plus crédibles contre les opposants qui se faisaient entendre de plus en plus fort.
Désormais, il ne m’était plus possible de reculer. Les voix des jeunes voyants, gravées sur ces rubans sonores, leurs réponses aux questions dont le père Jozo les bombardait, m’attiraient comme un chant de sirène. J’y ai découvert une authenticité indéniable. Le père curé, surpris, se trouvait confronté à quelque chose d’irréel. Aucunement prêt, il improvisait en se faisant aider par son vicaire. Les jeunes restaient imperturbables et vrais. Jamais ils n’ont été aussi spontanés et libres. Aucune peur de représailles possibles ne pouvait troubler la joie de l’expérience qu’ils venaient de vivre. J’étais captivée par leur conversation maladroite de part et d’autre, colorée, pittoresque, impromptue, entrecoupée. Leurs voix s’entremêlaient parfois dans une débordante et joyeuse cacophonie sonore. J’avais l’impression de toucher à une source vive dont je ne pouvais prévoir ni l’étendue ni la force.