Aux Sources de Medjugorje
Daria Klanac, Aux Sources de Medjugorje, Éditions Sciences et Culture, Montréal, 2014, 3e éd. (1re éd. 1998, ISBN 2-89092-240-5), préface de Mgr René Laurentin, pages 7 à 10.
Je suis heureux de la parution du livre de Daria Klanac, Aux sources de Medjugorje. Après bien des années d’échanges stimulants, nous avions pensé un moment le faire ensemble, mais ma participation n’était point nécessaire et aurait pu voiler les valeurs et la personnalité même de son œuvre.
L’auteure a abordé Medjugorje avec des ressources et des valeurs spécifiques comparables à nulle autre. Elle est Croate et parle la langue du pays. Son frère franciscain accroît son affinité avec la grâce de François d’Assise et de sa famille religieuse si éprouvée, dans les Balkans, à travers quatre siècles de persécutions ottomanes suivies d’autres jusqu’à ce jour.
Daria Klanac, ainsi attirée par Medjugorje, a été convaincue, à partir d’août 1984, après un temps de réflexion critique. Dès lors, elle y a conduit plus de 50 pèlerinages.[1] Elle a pénétré non seulement la surface très riche de l’événement, mais la présence de Marie et son message. Elle a été témoin de quantité de grâces : guérisons et protections que Notre-Dame multiplie en ce lieu. Elle est donc un témoin complet. Il n’est point de connaissance sans amour et connaturalité.
C’est l’intérêt particulier pour Medjugorje qui l’a lancée dans ce travail d’édition et de documentation, aux sources mêmes de l’événement. Elle a recueilli et traduit les 18 bandes de magnétophone sur lesquelles Jozo Zovko a recueilli le témoignage des voyants, dans la surprise déconcertante d’une grâce qui les dépassait et les submergeait tous. Ce fut le germe d’une conversion massive de la paroisse avec des réconciliations bouleversantes : une aventure chrétienne dans laquelle chacun était mené plus qu’il ne menait les événements, comme c’est le cas de tous les grands événements chrétiens.
Face aux attaques qu’on fait pleuvoir comme grêle sur Medjugorje et aux traductions lacunaires, tendancieuses, cette édition constitue un témoignage irréductible à décharge.
[p. 8]En 1988, une partie des documents utilisés dans le présent ouvrage et interprétés dans un sens défavorable avait fait l’objet d’une publication.[2]
Mais il fallait déchiffrer plus avant la lacune de la première édition, quels que soient ses mérites d’avoir été la première. C’est ce que Daria Klanac a fait avec sa grande finesse de perception.
Elle a découvert, outre ces 12 entretiens déjà publiés, 6 autres inédits.
Le premier projet du livre comportait un bilan critique des défauts de l’édition précédente. Mais dans l’esprit du message de paix qui est celui de Medjugorje et inspirée par sa magnanimité, Daria Klanac a éliminé toute polémique, estimant que l’objectivité rigoureuse du texte établi, qu’elle a édité en croate, et de la première traduction, également améliorée, serait la meilleure défense de la vérité.
Les textes publiés défendent Medjugorje, non par des arguments ou une autorité extérieure — d’autant qu’il s’agit d’enregistrements bruts, improvisés dans l’incertitude, car, à ce moment-là, les voyants comme les prêtres étaient dépassés par l’événement, et plus encore par le redimensionnement spirituel que cet événement apportait et par les persécutions qu’il attirait. Les propos improvisés, parfois hésitants ou perplexes, manifestent la sincérité et la spontanéité des voyants, leur crainte mais aussi leur générosité : rien d’un coup monté.
Les prêtres de la paroisse, à commencer par Zrinko Čuvalo, le vicaire, durant l’absence du curé, examinaient l’affaire sans enthousiasme, avec un réalisme carrément critique devant l’insolite. Leur confrontation est parfois sévère. N’en disons pas plus. Ne déflorons pas des textes qui parlent par eux-mêmes, comme on parle au cœur en racontant des événements personnalisés, porteurs de grâce et de vie divine.
Daria Klanac était trop pénétrée de la présence de la Vierge à Medjugorje, de la source de vie qui a coulé inopinément en ce lieu et par les fruits admirables — conversions, guérisons, protection — pour en rester à une simple édition de textes. Elle a renoncé à discuter ou à réfuter. Elle n’a pas voulu démontrer mais montrer.
Elle a fait précéder ces interviews d’un portrait des voyants qu’elle connaît intimement, et les fait suivre du Journal de bord de ses 50 pèlerinages : un journal spirituel, qui nous fait partager sa connaissance [p. 9]et sa pénétration vécue de l’événement. Ces fruits lumineux lui ont paru plus importants à manifester qu’une synthèse historique ou même théologique. C’est ce qui fait la limpidité de ce livre accessible à tous, de cette réhabilitation apologétique, de ce redressement sans polémique : rien d’autre que la parole des protagonistes de l’événement et la germination des premiers fruits.
J’admire l’objectivité, la charité, le discernement de Daria Klanac. Elle préfère sans doute dialoguer avec les adversaires plutôt que les confondre. J’admire aussi l’acuité de son esprit critique qui m’a souvent éclairé aussi au cours de nos contacts pour l’élaboration de ce livre. Elle n’hésite pas à constater ou à publier un fait négatif, une erreur ou un point faible, ni à former des hypothèses négatives, que son discernement lui a fait jusqu’ici dépasser en profondeur, là où il y avait problème.
Nos parcours ont été parallèles et différents. J’avais entendu parler de Medjugorje dès 1981. J’avais été le premier à faire connaître l’événement en France par un article du Figaro, en date du 23 février 1982 : de multiples contacts, gênés par la langue de bois qui était alors celle des Croates, même en voyage hors de la « Yougoslavie », sous la double opposition communiste, mais aussi épiscopale qu’ils taisaient par crainte ou respect. C’est ainsi que j’ai retardé mon premier voyage jusqu’à la fin de 1983.
Daria Klanac raconte elle-même dans ce livre son approche convergente, plus spirituelle, plus intime, souvent plus pénétrante que la mienne, grâce à tant d’affinités, de connaissances linguistiques qui sont un des plus grands mérites de ce livre.
Comme historien, il me revient de situer l’apport historique de cette édition remarquable, compte tenu de plusieurs bandes inédites dont Daria Klanac réserve la publication à plus tard.
Quand nous travaillions ensemble, j’avais repris et complété la rédaction de mon récit des apparitions pour y introduire en bon ordre, selon une progression plus nourrie, l’apport considérable des dialogues qu’elle publie. Je n’ai pas édité ce nouveau récit dans le souci de ne pas déflorer le livre source si attendu. Comme je serai sans doute trop vieux pour faire les dernières mises au point de mon travail, pourquoi Daria Klanac ne ferait-elle pas elle-même cette dernière étape de la synthèse historique ?
Puisse ce livre de paix et de lumière contribuer à créer la paix trop souvent troublée par la complexité balkanique du problème et par l’action du tentateur, dont l’intelligence acérée déploie une sorte de génie pour calomnier, diviser et détruire l’Église là précisément où elle est vivante et où le bien se fait : là où la grande ennemie du tentateur, la Vierge, triomphe dans les cœurs.
[p. 10]Daria Klanac apporte une impulsion éminente de rigueur, d’ouverture et de pénétration documentaire et spirituelle sur l’événement. Son livre nourrira l’ouverture de cœur essentielle à l’écoute de l’Évangile et de Notre-Dame, à Medjugorje.
René Laurentin
1. Plus d’une centaine de pèlerinages de 1984 à 2012. [↩]
2. Ivo Sivrić, ofm, La Face cachée de Medjugorje, Éditions Psilog, Saint-François-du-Lac, 1988. [↩]