Lettre intime à mes pèlerins
Daria Klanac, Lettre intime à mes pèlerins : sur les chemins rocailleux de Medjugorje, j'ai marché avec vous, Éditions Sakramento, Paris, 2015, (ISBN 978-2-915380-86-6), pages 7 à 8.
Mes chers pèlerins,
Depuis quelque temps, je ne cesse de penser à vous. Mes souvenirs défilent dans ma mémoire, refont surface, impatients d’être libérés, et m’invitent à vous écrire. Je me dois de vous exprimer ma profonde reconnaissance. Vous avez été mes compagnons de route pendant plus de 25 ans. Entre 1985 et 2012, de tous les coins du Québec et du Canada francophones vous avez été invités à un rendez-vous important à la case départ de Mirabel, puis à la porte 6 de l’aéroport de Montréal à Dorval.
Je vous accompagnais vers une destination que vous aviez, pour la plupart d’entre vous, choisie librement. Quelques-uns étaient là pour faire plaisir à d’autres; ils prenaient de la distance, mais pas pour longtemps. D’autres restaient à l’écart, méfiants, pas tout à fait sûrs de faire partie du voyage. D’aucuns se demandaient ce qu’ils faisaient là. J’avais à tenir compte de chacun de vous en particulier, car vous aviez choisi de voyager avec moi en direction de Medjugorje. Et moi, j’avais à vous choisir à mon tour. Quel beau défi!
Je ne travaille plus en tant qu’accompagnatrice de groupes, mais je n’ai pas arrêté, pour autant, de faire partie de l’humanité en marche. Je navigue dans mes souvenirs comme sur un fleuve tranquille, plus calme, plus reposant, et je vois dans ses eaux se refléter les traces ineffaçables que vous y avez laissées.
Je vous adresse une lettre pour vous raconter toute une vie de partage, d’écoute, de découvertes et d’émerveillements. J’aimerais vous reparler de tout ce que nous avons vécu ensemble, de toute cette expérience de plus de cent voyages, de tous ces trésors cachés au fond de mon cœur. Vous avez rempli les plus belles [p. 8]pages de ma vie. Je ne me souviens pas de tous vos noms, car vous êtes des milliers, mais votre voix résonne dans mes oreilles et votre regard est imprimé dans le mien.
Tout au début de ma lettre, je me suis posé cette question importante : écrire en croate, ma langue maternelle, ou en français, la vôtre? Évidemment, j’ai toujours communiqué avec vous en français tout en étant votre interprète pour le croate, langue parlée en ce lieu de pèlerinage. Cependant, j’ai réalisé que je ne parviendrai jamais à maîtriser parfaitement la langue française. J’ai pensé, alors, que si je vous écrivais avec mon cœur, je risquerais moins de me tromper.