Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Chapitre V
Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), chapitre v, pages 43 à 46.
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Le père Jozo est rentré chez lui le troisième jour des apparitions. Immédiatement, il convoque les voyants pour leur faire subir un interrogatoire.
À partir du 27 juin et jusqu’au 30 juin 1981, il va interroger les enfants, matin et soir, à tour de rôle. Sauf le soir du 30 juin où, à l’exception d’Ivan, ils sont tous réunis. Le père Jozo est bienveillant et doux, mais en même temps tenace et ferme. Il enregistre tout.
Lorsque j’ai appris l’existence de ces cassettes audio, je me suis mise à la recherche de ce précieux matériel. Je l’ai trouvé chez Grgo Kozina, paroissien et rapporteur bénévole de tous ces événements. C’est à cet homme que l’on doit la conservation de la plupart des entretiens sur bandes magnétiques. Connaissant l’estime dont il jouit dans la paroisse, j’étais assurée de l’authenticité des copies qu’il m’a données et qui constituent la base de ma recherche.
Le curé de la paroisse de Medjugorje a surtout interrogé Jakov, le plus jeune des voyants, et Mirjana qui venait de Sarajevo. Le premier représentait l’innocence des enfants du village, la deuxième, sujette à suspicion parce qu’elle vit dans une grande ville multiethnique. À travers l’entretien avec ces deux personnes, le père Jozo Zovko espère trouver et comprendre l’énigme des apparitions soudaines dans sa paroisse. Il va essayer de confondre les voyants, de démasquer le mensonge.
[p. 44]Les interrogatoires des sept premiers jours à Medjugorje ne sont pas le fruit de l’imagination. C’est un document audio gravé une fois pour toutes. Les copies en ma possession sont effectivement plus longues et plus élaborées que celles d’Ivo Sivrić. Joachim Bouflet[12] l’a bien remarqué, mais au lieu d’accepter le fait, il préfère traiter mon texte de « reconstruit et augmenté grâce à des interpolations ». Élisabeth Claverie minimalise la différence et le lit « en mode politique ».[13] C’est un manque de rigueur qu’on ne peut laisser passer à l’Histoire sans rétablir les faits.
Ni l’un ni l’autre n’étaient probablement au courant de l’ouïe défectueuse d’Ivo Sivrić. Conscients tout de même de la différence entre son travail et le mien, ils ont opté pour le sien et rejeté le mien, le qualifiant de reconstruction inventée. Une sérieuse question d’intégrité scientifique et critique se pose sur les travaux de ces auteurs qui basent leurs recherches sur des documents incomplets et mal faits.
L’écoute des cassettes audio nous dévoile une riche sonorité d’intonations. Elle contribue à mieux saisir les nuances dans la voix des interlocuteurs, leur sincérité et leur originalité à l’état pur. Toute recherche devrait passer par l’écoute attentive de ces dialogues, même si on ne comprend pas la langue. En lisant la transcription seule, il manque la dimension de l’audition. Dans beaucoup d’écrits sur Medjugorje, les interprétations et les conclusions trahissent la méconnaissance de ce document fondamental.
Voici le premier entretien avec Jakov, revu et corrigé, et une partie importante du premier entretien avec Mirjana. Tous deux ont été menés le 27 juin 1981 au presbytère de la paroisse Saint-Jacques de Medjugorje par le curé Jozo Zovko, [p. 45]en présence de son vicaire le père Zrinko Čuvalo et les pères Viktor Kosir et Stojan Zrno.
Pour une meilleure compréhension, il est important de connaître les surnoms des enfants, qui sont souvent utilisés dans ces enregistrements. Les petits noms d’Ivanka sont Iva, Ivica. Ceux de Marija sont Mara ou Marina. Vicka est aussi appelée Vida, et le diminutif de Jakov est Jakisa.
Ces deux entretiens sont présentés en un tableau synoptique. Les différences dans la traduction et dans les noms propres (ex.: Marija à la place de Mirjana) et les pronoms personnels (ex: « nous » au lieu de « je ») sont soulignées en caractères gras. Ces différences, plus au moins importantes, peuvent donner une tout autre version des événements et être faussement interprétées. Ce qui est déjà arrivé, notamment dans la transcription faite par Ivo Sivrić de l’interrogatoire avec Mirjana. En effet, sur la base de sa transcription qui est incomplète, le père Sivrić a créé l’hypothèse des apparitions de Medjugorje comme étant une réplique de Lourdes.[14] De toute évidence, il a été trahi par son ouïe diminuée. Malgré toutes ses imprécisions et ses erreurs, cette transcription reste une référence et une source « sûre » pour tous ceux qui veulent écrire contre Medjugorje.
En écoutant le CD joint au livre, même si vous ne comprenez pas le croate, je suis sûre que vous serez touchés par l’authenticité de ces voix: celle joyeuse et convaincante de Jakov, celle posée et sûre de Mirjana, et celle calme mais ferme du père Jozo qui dirige la conversation.
Vous pouvez suivre en premier le dialogue avec Jakov. Je ne donne pas au complet celui avec Mirjana, mais seulement ce qui est nécessaire pour ma démonstration, c’est-à-dire que la [p. 46]voyante n’a pas lu le livre sur Lourdes avant les apparitions. Il faut lire attentivement son entretien avec le père Jozo, car il est question de la lecture de deux ouvrages différents: la Bible, que Mirjana dit avoir lue avant les apparitions, et un livre sur Lourdes dont elle commence la lecture aux premiers jours des apparitions et ne la termine pas. Le livre lui sera repris par Draga, la femme de Marinko.
Ces documents audio, avec la transcription synoptique, seront un jour édités dans leur intégralité et présentés en CD. De toute façon, ils seront remis aux archives de Medjugorje pour des recherches postérieures.
12. Medjugorje ou la fabrication du surnaturel, Éditions Salvator, Paris, 1999, p. 30. [↩]
13. Les guerres de la Vierge, NRF Essais, Éditions Gallimard, Paris, 2003, p. 375. [↩]
14. Voir l’entretien avec Mirjana pp. 104 à 117 du présent ouvrage. [↩]