Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch
Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), entretien avec le théologien Arnaud Dumouch, pages 186 à 188.
English Translation : Evaluation
Daria Klanac : Ma mère était une femme sans instruction, simple et charitable, à l’écoute de la Parole. Elle avait un très bon jugement, le don du vrai bon sens commun. Que nous faut-il, à nous simples fidèles, pour bien discerner et ne pas tomber dans le piège du faux ?
Arnaud Dumouch : Trois qualités principales sont importantes pour qu’un fidèle laïc, comme l’y invite le Concile Vatican II, soit une aide précieuse dans la vie spirituelle de ses frères:
1. Un réalisme paysan: c’est important pour ne pas se laisser enthousiasmer trop vite et pour toujours garder son sens critique.
2. Une vie spirituelle mûrie: afin de ne pas être à la recherche de choses sensibles et de rester attaché surtout à une relation spirituelle à Dieu.
3. Une théologie simple, mais réaliste, qui permet du bon sens. On trouve cela parfois chez de simples laïcs chrétiens. Je pense à la mère de saint Jean Bosco qui ne se laissa jamais tournebouler par ses visions et ses songes et les ramena toujours à l’essentiel: une vie active de charité pour Dieu et le prochain.
On a un modèle de l’auto-discernement chez l’aveugle de naissance guéri par Jésus dans l’Évangile: il est plein de bon sens, puis d’ironie face aux grands-prêtres, et il leur dit ceci (Jn 9, 10-11): [p. 187]« Ils lui dirent alors: “Comment donc tes yeux se sont-ils ouverts ?” Il répondit: “L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a enduit les yeux et m’a dit: Va-t’en à Siloé et lave-toi. Alors, je suis parti, je me suis lavé et j’ai recouvré la vue.” » C’est le réalisme factuel qui ne brode pas (qualité 1).
Nous lisons ensuite (Jn 9, 25): « L’aveugle répondit: “Si c’est un pécheur, je ne sais pas; je ne sais qu’une chose: j’étais aveugle et à présent j’y vois.” » Puis, cinq versets plus loin (Jn 9, 30): « L’homme leur répondit: “C’est bien là l’étonnant: que vous ne sachiez pas d’où il est, et qu’il m’ait ouvert les yeux. Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs, mais si quelqu’un est religieux et fait sa volonté, celui-là il l’écoute. Jamais on n’a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.” » C’est l’expression d’une théologie simple, mais réaliste, qui le rend ironique face à l’agitation des grands-prêtres et à leur discernement insensé (qualité 3).
À propos de la seconde qualité, si le conseiller spirituel du voyant se laisse lui-même aller à un enthousiasme total, sans garder son sens critique, il ne sera plus capable de jouer son rôle. C’est pourquoi l’attitude de l’abbé Peyramale, curé de Lourdes au moment des apparitions, extrêmement détachée et réaliste, quoiqu’ouverte, est un bon modèle à imiter.
D. Klanac : Il y a toujours eu de vrais et de faux prophètes. De nos jours, où règne le relativisme, est-il plus difficile de reconnaître le vrai du faux avec la certitude de ne pas se tromper ?
A. Dumouch : Non, pas plus difficile que jadis. À chaque période de l’histoire, même lorsque la chrétienté était le lot du grand nombre et du politiquement correct, la majorité des hommes a préféré l’apparence et les valeurs de ce monde aux vraies choses du Christ. Il n’est qu’à se souvenir de l’époque de Jeanne d’Arc et de son [p. 188]martyre. Par contre, comme à chaque époque, celui qui ne se trompe pas est celui qui discerne en vérité ce qui est premier dans les valeurs de l’Évangile, à savoir l’amour de Dieu et du prochain poussés jusqu’à l’acceptation humble du mépris venant du monde.
En fonction de ce principe, on peut alors facilement se faire une assez bonne idée de l’authenticité de telle ou telle apparition. Certes, cet instinct spirituel n’est pas infaillible. Mais l’attitude d’un père René Laurentin, par exemple, est judicieuse: il est ouvert. Il constate d’énormes fruits spirituels. Il étudie la conformité à la foi. Il approche les voyants. Il liste les miracles.