Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Annexe II
Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), annexe ii, pages 219 à 229.
English Translation : Supplement III : Expert Teams of Diagnosticians
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Dans l’histoire des apparitions, jamais des voyants n’ont fait l’objet d’autant d’examens de toutes sortes que ceux de Medjugorje. Dès les 27 et 29 juin 1981, ils ont été vus par les médecins locaux, à Čitluk et à Mostar. Malgré un contexte communiste défavorable, les deux médecins ont conclu que les enfants étaient en parfaite santé physique et psychologique.
Depuis leur début, les apparitions de Medjugorje ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Les plus importantes et les plus complètes sont :
1. Groupe de chercheurs français dirigé par le docteur Henri Joyeux. Il a complété six missions expérimentales en 1984 et 1985.
2. Groupe de chercheurs italiens dirigé par Luigi Frigerio. Il a complété deux missions. L’une, expérimentale, en septembre 1985, et l’autre, d’évaluations psychiatriques en mars 1986.
3. Groupe de chercheurs canadiens dirigé par le Père Yves Saint-Arnaud en 1988.
4. La Commission médicale de la Conférence épiscopale de l’ex-Yougoslavie dirigée par l’évêque de Mostar en 1988.
5. Groupe de recherche milanais dirigé par les docteurs Marco Margnelli et Giorgio Gagliardi en 1998.
[p. 220]6. Second groupe français sous la direction du docteur Henri Joyeux en juin 2005.
Les résultats de ces travaux ont été publiés dans les ouvrages suivants :
– Études médicales et scientifiques sur les apparitions de Medjugorje, sous la direction de H. Joyeux et R. Laurentin, Œil, Paris, 1985.
– Dossier scientifique sur Medjugorje, sous la direction de L. Frigerio, L. Bianchi et G. Mattalia, ARPA (Association Reine de la Paix), Paina di Giussano, 1986.
Une soigneuse évaluation scientifique des données psycho-physiologiques recueillies à Medjugorje et une discussion approfondie sur les caractéristiques de l’extase ont fait l’objet de diverses publications de M. Margnelli et G. Gagliardi, dont :
– Le apparizioni della Madonna, da Lourdes a Medjugorje, Riza Scienze, Milano, 1987.
– L’estasi, Sensibili alle Foglie, Rome, 1996.
– I Veggenti di Medjugorje : Ricerca psicofisiologica 1998, Resch Verlag, Innsbruck, 2000.
Nous présentons ici les résumés de recherches de ces différents groupes.
Les chercheurs du Groupe français, que nous avons nommé Medjugorje I, concluaient en ces termes :
1. L’état extatique n’est ni sommeil ni rêve. Les apparitions ne sont pas des hallucinations (au sens pathologique du terme). Cela est exclu des électro-encéphalogrammes et des observations cliniques.
Les apparitions ne sont pas des hallucinations collectives comme l’a insinué une fausse information diffusée dans la presse mondiale. Le concept d’hallucinations collectives est une contradiction dans les termes, sinon une invention psychiatrique qui, pour le moins à l’endroit des voyants de Medjugorje, n’a aucun sens.
[p. 221]2. L’extase semble être un état fonctionnel dans lequel les perceptions sensorielles ordinaires sont suspendues au profit de la perception visuelle d’une personne qui ne vient pas en interférence avec les choix et les projets des voyants ni ne trouble leur vie. L’extase s’insère harmonieusement dans leur quotidien, sans difficulté, sans transition ni rupture.
3. L’extase n’est pas pathologique; elle est, pour les voyants, un état cohérent et bénéfique. Elle ne réduit pas leur identité ni leurs différences. L’extase les intègre; elle élève ces adolescents (ni meilleurs ni pires que les autres, disait Vicka) à une qualité humaine et spirituelle qui suscite l’admiration de tous (à l’exception de l’observateur prévenu qui cherche systématiquement à les intimider pour détecter dans leurs propos ingénus et spontanés des contradictions et des mensonges).
4. Pour ce qui concerne l’apparition, des données convergentes indiquent qu’il s’agit d’une perception essentiellement objective, tant par sa causalité que par son but. Cela n’exclut pas l’élément « signe » inhérent à toute connaissance humaine, ni n’exclut les limites et les particularités de tel signe en fonction des potentialités de celui qui le reçoit.
La perception visuelle de l’apparition est plus réelle que celle du monde ordinaire. Comme le monde réel est plus réel que celui des rêves, la Vierge est, pour les voyants, plus réelle que le monde ordinaire. Elle n’est aucunement irréelle, mais surréelle. Elle n’appartient pas à notre espace-temps. Elle s’y manifeste sans interférer avec leur déterminisme, et cela parce qu’elle appartient à une autre dimension temporelle : l’éternité de Dieu.
5. L’extase projette les voyants dans une dimension temporelle d’un genre propre, différent du temps marqué par les horloges, et les voyants perdent la notion du temps tel qu’entendu communément. Ils sont dans la prière. Ainsi, dans ces moments, ils sont comme absorbés dans la prière pour rétablir leurs liens profonds avec Dieu et la Communion des Saints.
[p. 222]6. Les définitions utilisées pour expliquer l’extase (ou pour s’en débarrasser), du type hallucinations, manifestations de l’inconscient, et ainsi de suite, n’expliquent rien et contredisent l’objet de l’apparition. Honnêtement, elles se heurtent à des limites insurmontables. L’explication la plus évidente est celle des voyants qui disent rencontrer la Vierge Marie, Mère de Dieu.
7. La suppression de la sensibilité durant l’extase et les comportements synchroniques des voyants durant l’extase imposent l’hypothèse d’une communication spirituelle (et réelle) de personne à personne. Cette perception, qui survient selon un mode différent des perceptions ordinaires, présente une cohérence (individuelle et collective) entre les perceptions et les réactions qui s’ensuivent de manière telle à leur conférer un caractère de réalité objective.
8. La théologie catholique souligne le caractère particulier des apparitions : il s’agit d’événements rares qui, dans l’histoire de l’Église et de la Communion des Saints, se différencient entre eux par le moyen d’un signe donné dans des temps et des lieux définis. Les critères de la théologie et ceux de l’expérience mystique tendent à confirmer que la perception des voyants de Medjugorje a pour terme la Madone qu’ils reconnaissent et dont la quantité de fruits donne témoignage de l’identité/réalité.
Le docteur Henri Joyeux revient à Medjugorje 20 ans après ses premières expertises. Avec le docteur Philippe Loron et une autre équipe multidisciplinaire, il est sur place pour le 25 juin 2005 : « Notre conclusion est claire; ce qui se passe à Medjugorje est très sérieux, il faut que cela soit pris au sérieux. Nous y sommes allés en deux reprises pour découvrir la fraude comme nous l’avons déjà découverte dans d’autres endroits. À Medjugorje en 2005, nous avons regardé d’un regard nouveau [p. 223]et très critique. Nous avons filmé Marija et Ivan avant, pendant et après l’extase. Nos appareils étaient beaucoup plus modernes que ceux d’il y a 20 ans. Notre conclusion, 20 ans après, n’a pas changé. Nous ne nous sommes pas trompés. L’Église permet ces événements à cause de leur sérieux, mais ne se prononce pas parce qu’ils continuent. »
Les chercheurs du Groupe italien, que nous avons nommé Medjugorje II, concluaient :
1. Durant l’apparition/extase, les voyants étaient dans un état religieux modifié de conscience, selon les caractéristiques que la théologie mystique catholique attribue à l’extase : perte de la sensibilité et perte complète du contact avec la réalité.
2. La démonstration expérimentale de ces deux points a été obtenue grâce à l’étude de la sensibilité alségiosène et tactile-cornéenne qui s’avère disparues, et grâce à l’étude de la réponse aux impulsions électrodermiques aux mêmes stimuli tactiles et algésiogènes qui, de même, ont disparu.
3. Les données relatives au rythme cardiaque, à l’activité de la sueur motrice et au niveau vaso-constricteur artériel périphérique, ont démontré que l’entrée en extase était précédée d’une activation orthosympathique comparable à un état de choc.
4. Cette observation a permis d’ajouter à la symptomatologie classique reconnue de l’extase mystique un élément, celui de l’activation sympathique, qui permet d’expliquer nombre de symptômes somatiques décrits dans les témoignages du passé.
5. Toute la phénoménologie observée à Medjugorje a confirmé le modèle théorique de l’extase proposé par le neurophysiologue Roland Fischer (1971) et a démontré une nette différence entre l’extase occidentale et l’extase orientale (par exemple, yogique ou « samadhi »).
[p. 224]6. Un tel fait démontre que l’extase est un phénomène « prévisible » au sens où cette même symptomatologie doit se répéter de façon identique chez un même sujet, d’une fois à l’autre, et qu’elle doit se répéter de façon identique au cours des extases d’autres personnes. En d’autres mots, ce fait confère à l’extase le statut de phénomène autonome et bien différencié.
7. Les voyants ne simulaient ni ne pouvaient avoir appris à contrôler leurs réactions psychophysiologiques.
8. L’extase n’était pas le corollaire de maladies neurologiques (par exemple l’épilepsie) ni fonctionnelles (par exemple les états dissociant) qui, malgré l’imposante symptomatologie neurovégétative, n’a pas causé de conséquences dommageables à la santé des voyants.
Le Père Yvon Saint-Arnaud, o.m.i., psychothérapeute, professeur à l’Université Saint-Paul à Ottawa (Canada) et conférencier renommé, s’est rendu à Medjugorje en 1988, accompagné d’une équipe de cinq personnes, pour faire passer aux voyants des tests de comportement psychosocial. Voici un extrait de son rapport :
Ce que j’ai trouvé lors de mon séjour à Medjugorje m’a surpris. Certes, je n’avais guère d’attentes, car je suis de tendance plutôt sceptique vis-à-vis de ce qui se présente comme extraordinaire. Je n’avais donc rien lu sur Medjugorje ni, par conséquent, recueilli de renseignements sur le phénomène. En outre, l’équipe responsable de mon voyage me chargeait d’un mandat précis : relever les signes de santé psychosociale ou de son contraire chez les “voyants”. Pareille tâche exigeait d’abord une attitude respectueuse, un accueil inconditionnel des jeunes “voyants”. Voilà pourquoi toutes les rencontres avec eux se firent dans le milieu familial et communautaire où vivent ces jeunes. J’ai pu les observer dans leurs interactions naturelles [p. 225]avec leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs voisins, voisines, les filles et garçons de leur âge, les femmes et les hommes qui forment leur environnement psychosocial et religieux.
Ma première surprise à ce propos fut de constater
— que personne dans ce village ne leur accorde une attention particulière;
— que les “voyants” n’en réclament aucune;
— qu’ils se fondent, au contraire, spontanément dans la foule et dans la participation liturgique (messe, chapelet, confession, etc.) vécue par la communauté.
Ni les cinq membres de l’équipe, ni moi, n’avons remarqué chez les “voyants” de conduite apte à centrer sur eux l’attention des autres. Leur comportement réel confirme ainsi la vérité de leur désir d’être “comme les autres”, désir que chacune et chacun n’ont pas manqué de nous exprimer souvent durant les entrevues.
La qualité d’une telle insertion dans leur milieu social et socioreligieux ne semble guère compatible avec une mauvaise santé mentale en ce domaine.
En résumé, les caractéristiques psychosociales que le Père Saint-Arnaud a constatées chez les voyants et qu’il élabore dans son étude sont : franc-parler, véracité, spontanéité, sens de l’humour, réalisme, respect de l’autre, bon jugement, ouverture sur le monde. Traits de maturité religieuse : sens de l’importance de la Volonté de Dieu, sens de la liberté personnelle dans la réponse à l’invitation divine, sens de la Rédemption des péchés, correction des défauts, primauté de la prière communautaire et des formules de base, fidélité joyeuse, intense et discrète participation aux célébrations communautaires, différence entre leur piété propre et l’expérience vécue lors des apparitions, sens de l’abandon confiant et paisible à la Providence, humilité, zèle discret, [p. 226]soumission aux autorités religieuses, réalisme dans l’intégration de leur expérience religieuse avec leur vie quotidienne.
Le Père Saint-Arnaud conclut ainsi :
Rien dans les tests de nos rencontres avec Jakov, Ivan, Marija, Vicka, Ivanka, ni dans les conduites socioculturelles et socioreligieuses que nous avons observées chez eux, ne nous a semblé montrer la moindre tendance à la supercherie, à l’hystérie, à l’hallucination, voire à la simple diminution de la fonction du réel au niveau personnel, social et religieux.
Cette conclusion nous paraît non seulement justifiée, mais encore d’une grande importance méthodologique. Car il serait faux de conclure à la santé ou à la maladie “mentale” des “voyants”, à leur immaturité ou maturité religieuse, en se basant sur des analyses spéculatives conformes à des théories plutôt que sur des faits vérifiables. Effectivement, les modèles vérifiés d’investigation dans ce sens ne manquent pas. J’ai pu me rendre compte moi-même avec les autres membres de l’équipe que les réponses et les conduites relevées chez les “voyants” correspondent à plusieurs instruments déjà validés et connus dans le domaine de la personnalité, du socioculturel et du socioreligieux.
Le 14 mai 1988, la sous-commission médicale de la Conférence des évêques de l’ex-Yougoslavie a émis la déclaration suivante :
La sous-commission médico-psychologique professionnelle pour établir le statut psychologique des “voyants” de Medjugorje, suite à des recherches dans la documentation médicale existante à ce jour, et après des examens effectués sur les personnes suivantes :
1. Vicka Ivanković
2. Ivan Dragićević
3. Mirjana Dragićević
5. Ivanka Ivanković
6. Jakov Čolo
et selon des critères en usage à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en date du 25 février 1978, a établi ce qui suit :
1. Toutes les personnes examinées sont psychiquement équilibrées.
2. Il n’existe pas de maladie psychique ou inclination psychopathologique qui auraient pu influencer ce supposé événement surnaturel. Il n’existe pas non plus de psychose ni d’hystérie collective ou d’autres phénomènes de ce genre.
Les membres soussignés joignent en annexe leurs propres appréciations sur les personnes examinées.
Zagreb, 14 mai 1988
Dr Vladeta Jerotić, spécialiste en neuropsychiatrie
Dr Josip Palić, spécialiste en neuropsychiatrie
Dr Albi Novak, psychologue
Dr Ante Korljan, médecin hygiéniste
Dr Branimir Šubić, spécialiste en neuropsychologie
Dr Mihaly Szentmartoni, clinicien en psychiatrie, professeur à l’Université grégorienne de Rome
Les chercheurs du Groupe de Milan résument les conclusions de leurs travaux en ces termes :
À la recherche psychophysiologique des voyants de Medjugorje s’ajoutait le devoir de répondre, avec les méthodologies actuelles appropriées, aux interrogations suivantes et aux questions à propos desdites extases accompagnées de visions/apparitions religieuses des voyants de Medjugorje : Marija Pavlović-Lunetti, Ivan Dragićević, Vicka Ivanković, Mirjana Dragićević-Soldo, Ivanka Ivanković-Elez et Jakov Čolo :
– Les sujets étaient-ils influencés par des conditions psychologiques personnelles de manière à induire des attentes de phénomènes extraordinaires ?
[p. 228]– Les sujets ont-ils subi du milieu des influences religieuses culturelles qui auraient provoqué et favorisé le début de tels phénomènes extraordinaires ?
– Les sujets ont-ils subi un conditionnement mental qui les aurait amenés à former le groupe desdits voyants ?
– Les sujets ont-ils été plagiés ou manipulés par une personne qui, par son ascendant sur les enfants, les aurait induits dans une expérience suggestive telle qu’elle aurait, par la suite, suscité des extases/visions collectives ?
– Les sujets ont-ils eu des expériences initiales profondes spontanées, tels des états religieux modifiés de conscience, non guidés ?
– Après les expériences initiales d’extases/visions/apparitions, les sujets ont-ils, par la suite, entretenu leur expérience par une répétition du comportement uniquement comme défense personnelle de ce qu’ils avaient dit préalablement ?
Un groupe spécial de travail a été formé pour répondre le plus adéquatement à ces questions.
Les sujets étudiés au moyen d’anamnèses personnelles et d’examens à l’aide d’instruments ont démontré que :
– Ils ont d’abord eu une expérience inhabituelle déterminante, puis le prolongement de leur état modifié de conscience de type extatique avec visions, qui présentaient, néanmoins, des caractéristiques moins intenses.
– Ces expériences provoquent toujours des modifications de certains paramètres biologiques mesurables.
– Le comportement durant leur état modifié de conscience n’a pas, dans le cadre des limites de l’étude, montré les caractéristiques prédominantes de l’hypnose, mais celles de l’état modifié de conscience de type extatique/avec visions/apparitions.
[p. 229]– L’hypothèse de la duperie consciente et de la fraude n’a pas trouvé d’appui psycho-neurophysiologique.
Il faut noter l’impressionnante diversité des disciplines scientifiques qui composaient le Groupe de Milan : théologie, psychologie, psychiatrie, psychophysiologie, psychothérapie, psychoneurophysiologie, médecine générale, psychanalyse, ophtalmologie, gynécologie, professorat en médecine, médecine interne, neurochirurgie.
Suite à toutes ces recherches menées par de tels experts, comment des profanes dans ces domaines peuvent-ils encore se permettre des déclarations aussi naïves qu’« hallucinations collectives », « pieuse initiative », « une farce d’adolescents », « l’invention de prêtres charismatiques », « l’œuvre du diable », ou encore « une anomalie psychique généralisée » ?