Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Entretien avec le théologien Arnaud Dumouch
Daria Klanac, Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique, avec la collaboration du théologien Arnaud Dumouch, Informativni centar Mir, Medjugorje, en coédition avec les Éditions Sakramento, Paris, 2012, 2e éd. (1re éd. 2008, ISBN 978-2-915380-19-4 & 978-9958-36017-6), entretien avec le théologien Arnaud Dumouch, pages 161 à 164.
English Translation : The influence of Satan
Daria Klanac : À la question: « Qui es-tu ? Quel est ton nom ? » (Le 4e jour des apparitions), la Vierge a répondu: « Je suis la Bienheureuse Vierge Marie. » Dieu permettrait-il qu’un esprit du Mal se présente sous l’aspect de sa Mère, sur une période aussi longue, et qu’il incite à la conversion et à la prière ?
Arnaud Dumouch : Trois hypothèses dans le cas où cela ne viendrait pas du Ciel:
1) On pourrait imaginer le démon préparant sur le long terme une falsification aboutissant, en fin de compte au ridicule. Mais la qualité de certaines conversions, le sincère retour à la fidélité à l’Église, et les miracles, rend cette hypothèse intenable selon Jésus (Lc 11, 18): « Si donc Satan s’est, lui aussi, divisé contre lui-même, comment son royaume se maintiendra-t-il… »
2) On pourrait imaginer une origine purement humaine, frauduleuse. C’est évidemment difficile de tenir ainsi plus de 27 [p. 162]ans. On imagine que, dans l’hypothèse d’un tel complot, de la pression qu’il implique sur la conscience, l’un des protagonistes vendrait la mèche.
3) On pourrait imaginer une origine purement humaine et sincère (hallucinations): c’est aberrant ! Ces jeunes sont manifestement sains d’esprit.
En tout état de cause, et pour évacuer totalement ces hypothèses, il faut vérifier les miracles qui, seuls, permettent un discernement définitif. En effet, il s’est déjà vu que des faux voyants imitent le premier critère (conformité au dogme catholique) et que le second critère soit en partie présent (fruits spirituels), puisque l’Esprit Saint vient partout où il voit de la bonne volonté chez les fidèles.
D. Klanac : Certains pensent que les vraies apparitions n’ont duré que les 10 premiers jours.[35] Les voyants sont-ils depuis le 11e jour sous l’influence d’une quelconque possession néfaste ? Jouent-ils la comédie ? Les mêmes personnes peuvent-elles avoir de vraies apparitions pendant 10 jours suivies de fausses apparitions pendant des années ?
A. Dumouch : C’est une hypothèse aussi amusante qu’impossible. Si ces jeunes avaient vu la Vierge au début puis menti ensuite, ils seraient d’autant plus brûlés par leur conscience. Qu’on se rapporte encore une fois à une comparaison. Après la fin de ses apparitions à Lourdes, et bien après leur reconnaissance, Bernadette fut frappée de doute. Ce fut une sorte de « nuit de l’esprit », sans doute envoyée par Dieu pour la détacher d’elle-même. Elle disait à ses supérieures: « Et si je n’avais rien vu ? Et si j’avais menti ? » Ses supérieures la rassurèrent en lui rappelant les critères objectifs du discernement. Mais, on le voit, Bernadette, ayant vraiment vu la Vierge, était devenue incapable de tromper. Il en serait de même pour les enfants de Medjugorje.
[p. 163]D. Klanac : Jamais, dans l’histoire des apparitions, des voyants n’ont été soumis à autant de tests scientifiques que ceux de Medjugorje, par de nombreuses équipes pluridisciplinaires, ceci surtout depuis le 11e jour des apparitions. Aucune fraude n’a été découverte ni aucune pathologie diagnostiquée !
A. Dumouch : Comme je l’ai montré plus haut, ces recherches sont très utiles, importantes et elles seront utilisées lors du discernement final. Cependant, elles constituent un critère secondaire par rapport aux trois principaux déjà cités. En effet, s’il est intéressant de vérifier que ces jeunes sont sains d’esprit, on ne saurait dire a priori en théologie que le Ciel s’interdit d’apparaître soit à des malades mentaux, soit à des hommes en état de péché contre l’Esprit Saint.
À l’égard du premier point – des malades mentaux –, on me dit qu’il se produirait en Italie, autour d’une ancienne pèlerine de Medjugorje handicapée mentale profonde, des signes et des guérisons nombreuses. Pourquoi pas ?
Imaginons maintenant que la Vierge apparaisse à une personne croyante, ayant choisi définitivement de mépriser le projet de Dieu et s’étant fixée dans la voie de Lucifer, à savoir une vie éternelle dans la liberté apparemment totale et dans le mépris de « l’amour poussé jusqu’à l’abandon de soi-même ». Cette apparition authentique ne produirait pas de conversion du voyant puisque son choix est déjà lucide et définitif. Et pourtant, si Dieu daignait entourer cette apparition de miracles authentiques, elle pourrait parfaitement être reconnue par l’Église. D’ailleurs, le pape Benoît XVI rapporte dans son encyclique Spes Salvi (numéro 47) l’hypothèse d’une apparition du Christ à l’heure de la mort. Il ne dit pas que, infailliblement, tous se convertissent à sa vue.
D. Klanac : Dans plusieurs messages à Medjugorje, la Vierge a dit que Satan essayait continuellement de déjouer ses plans. Sommes-nous conscients de l’importance de ce message ? Comment ces paroles [p. 164]résonnent-elles, dans l’esprit de nos contemporains qui ne croient plus à l’existence de l’Adversaire ?
A. Dumouch : Si l’apparition de Medjugorje est vraie, on peut dire que Dieu aura laissé comme jamais des permissions au démon pour agiter et nuire. Tout aura été perpétuellement entouré de conflits, de passions, d’agitations.
Or ces permissions viennent de Dieu. La vie humaine est marquée, sur cette terre, par ces attaques venant du démon et pourtant permises par Dieu parce qu’elles visent à former des cœurs humbles. Pour se faire une idée de la richesse d’enseignement que tireront les théologiens de l’avenir si l’apparition est reconnue, il suffit de regarder ce que fut la vie, les combats et la passion de Jeanne d’Arc, image grandiose de la vie, des combats et de la passion à venir de l’Église.
35. Voir annexe IV, page 241. [↩]