Comprendre Medjugorje : Regard historique et théologique — Annexe VII
Darija Škunca Klanac, Razumjeti Međugorje : Izvorni dokumenti i razgovor s teologom Arnaudom Dumouchom, Informativni centar Mir, Međugorje, 2009 [ISBN 978-9958-36-033-6], Prilog I (Biskup Žanić, svjedok prvih mjeseci ukazanja — Dva nezaboravna događaja i susreta), pages 147 à 151 de l’édition croate.
Pages liées
• Histoire des apparitions
• La position de l’évêque et son courageux témoignage
En 1991, entre le jour de la déclaration de Zadar (10 avril) et le début de la guerre en ex-Yougoslavie (26 juin), j’ai mené deux groupes à Medjugorje pour le dixième anniversaire des apparitions: le premier au mois de mai et le second au mois de juin. Dans l’entourage des proches de Medjugorje on discutait ardemment de la déclaration de Zadar, chacun y allant de son point de vue. Pour moi, cette déclaration constituait une bonne nouvelle et une sage décision.
Je suis donc arrivée à Medjugorje à la mi-mai. Le lendemain, en marchant vers l’église, je rencontre Sœur Emanuelle, de la Communauté du Lion de Juda, qui me dit:« Daria, le professeur Loron est ici et il te cherche ». Le Dr Loron est un neurologue français qui a mené des recherches sur Medjugorje. Un peu plus loin, un franciscain me demande :« As-tu des nouvelles de l’évêque ? » Je lui réponds : « Je n’en ai pas et je ne sais pas quand je retournerai le voir ».
Le lendemain, avec le groupe, je suis allée à Križevac pour y prier le Chemin de Croix. Au pied de la colline, je rencontre le professeur Loron. Il me raconte qu’il est ici en compagnie de M. Edmond Fricoteaux, célèbre notaire parisien qui diffusait les messages de paix de la Vierge.
Il m’explique qu’après une correspondance avec Monseigneur Pavao Žanić, l’évêque de Mostar, ce dernier a accepté de leur accorder deux jours de rencontres et me demande de les accompagner à la première rencontre qui a lieu le jour même. Ils ont notamment planifié de montrer à l’évêque les vidéos des études scientifiques menées sur les voyants.
J’ai fait le chemin de Croix en pensant à cela et en priant pour le succès de leur courageuse initiative. Nous nous sommes retrouvés pour le déjeuner et je leur ai dit qu’il était préférable que je ne participe pas à cette première journée à caractère scientifique, mais que le lendemain pourrait être consacré à une démarche de paix et de réconciliation à laquelle quelques franciscains et moi-même pourrions participer. Le Père Ljudevit Rupčić, le Père Jozo Zovko et le Père Leonard Oreč ont accepté de nous accompagner. Le professeur Loron et M. Fricoteaux ont décidé d’informer l’évêque de cette rencontre et de ma présence sans toutefois mentionner les franciscains. Le but est de tendre vers le pardon mutuel et de s’engager sur la voie de la paix et de la réconciliation.
Le matin, à 10 heures, nous nous sommes retrouvés devant la résidence de l’évêque à Mostar. L’évêque se montra fort étonné de la présence des franciscains. Une fois que nous nous sommes assis, nous ne savions pas comment entamer la conversation ni que dire. Nous sommes demeurés en silence quelques pénibles secondes. « Monseigneur, ai-je commencé, je vous prie de me pardonner pour la lettre ouverte que je vous ai destinée à la suite de votre prise de position sur Medjugorje. Peut-être vous ai-je ainsi offensé. Je demeure ferme sur mes positions, mais je vous demande pardon. » Il m’a immédiatement pardonné et a ajouté : « Mais pourquoi êtes-vous venus au juste ? » Après un court silence, j’ai répondu : « Nous sommes venus pour nous réconcilier avec vous. Nous vous avons sûrement blessé, mais vous aussi vous nous avez blessés, et plus particulièrement les trois frères franciscains qui sont maintenant devant vous ». Le silence s’est à nouveau installé. Alors, M. Fricoteaux a suggéré que nous priions devant le Saint-Sacrement. L’évêque nous a conduits à sa chapelle et là nous avons tous prié devant le Saint-Sacrement. Nous avons formulé des prières spontanées et présenté tous nos rejets, malentendus et difficultés à Notre-Dame Reine de la Paix.
Lorsque nous sommes retournés dans le parloir, l’atmosphère était tout autre.
Nous avons tous conclu qu’il fallait, à la suite de la déclaration de Zadar, œuvrer particulièrement à la réconciliation. Tous les franciscains ont exprimé leur volonté de collaborer dans ce sens.
Ils ont invité l’évêque à venir confesser à Medjugorje, car c’est en cela qu’on reconnaît de bons fruits. Nous avons terminé la rencontre en chantant un hymne à Marie et en nous tenant par les mains. Nous ressentions paix et bénédiction. L’évêque nous a offert de rester à déjeuner. Le Père Leonard Oreč, M. Fricoteux et moi-même avons accepté. Les Pères Zovko et Rupčić ont dû quitter pour vaquer à leurs responsabilités. Nous avons partagé le repas dans une ambiance fraternelle et cordiale.
De retour à Medjugorje, le Père Leonard nous a dit, tout heureux : « C’est la première fois en dix ans que j’ai l’occasion de parler ainsi avec l’évêque et qu’il m’écoute ». Les deux parties ont promis de favoriser la poursuite de telles rencontres. Nous étions vraiment remplis d’espoir. Et puis la guerre a éclaté.
Le 2 juin de cette même année, Mgr Pavao Žanić célébrait vingt ans d’épiscopat.
De mon côté, je me préparais à retourner à Medjugorje pour le dixième anniversaire des apparitions. Je me remémorais la magnifique rencontre au mois de mai entre les franciscains et l’évêque et je me disais pourquoi ne pas organiser une rencontre semblable avec les voyants.
Arrivée à Medjugorje, j’ai partagé mes réflexions avec quelques responsables, mais sans résultats. Peut-être avais-je envisagé quelque chose d’impossible ? Nous étions samedi. En soirée, j’ai assisté à l’adoration et j’ai prié à cette intention. À la sortie de l’église, il me semblait clair que je devais entreprendre quelque chose.
Le lendemain, je suis allée chez Marija et je lui ai dit :« Voilà dix ans que la Vierge invite à la paix et la réconciliation. C’est à vous maintenant d’aller voir l’évêque ». Marija a accepté avec enthousiasme, affirmant : « J’attends seulement qu’une occasion favorable se présente ». J’ai ainsi contacté chacun des voyants.
Il fallait maintenant fixer un rendez-vous avec l’évêque. J’ai téléphoné à l’évêché et c’est l’évêque lui-même qui a répondu. « Monseigneur, ai-je dit, je voulais vous remercier pour votre hospitalité lors de notre rencontre du 22 mai. Je souhaite également vous féliciter pour votre jubilé épiscopal et vous remettre en personne un petit présent. » « Vous savez, me répondit-il, je crois que je n’aurai pas le temps, je dois procéder à des confirmations et assister à divers colloques avec des évêques… »
— Monseigneur, certains des voyants souhaitent également vous apporter des cadeaux…
— Que dis-tu ! Qui ? Les voyants ?
— Pour l’instant, je ne sais pas combien ils seront, mais ils le souhaitent.
— Appelle-moi demain soir.
Dans la soirée du 24 juin, je rappelle et il me dit : « Quand souhaitez-vous venir ? »
— Quand cela vous conviendra.
— Venez demain.
La rencontre était donc prévue le jour de l’anniversaire des apparitions à 10 heures.
L’évêque n’était probablement pas conscient de la cohue qui nous attendrait à la sortie du village et nous ne savions pas si nous allions être en mesure de traverser l’immense foule des pèlerins. Mais nous avons trouvé un conducteur habile et réussi à nous frayer un chemin. Il y avait Marija, Jakov et moi. Les autres n’ont pas pu se libérer, car ils avaient ce jour-là plusieurs obligations.
Mais nous avons conclu qu’il était préférable que nous soyons en petit nombre. Nous avons emporté des cadeaux. Marija avait une merveilleuse étole brodée qu’elle avait reçue le jour précédent d’un pèlerin. Jakov offrirait en son nom et au nom des autres voyants un tableau de l’Enfant Jésus et moi j’apportais une œuvre artisanale de Montréal. Nous avons convenu de prononcer intérieurement, à chaque éventuelle désapprobation de l’évêque, les paroles suivantes : « Seigneur, bénissez notre évêque ».
Lorsque nous sommes arrivés devant l’évêché, avec une demi-heure de retard, l’évêque se trouvait devant sa demeure avec un prêtre. Il nous a salués chaleureusement avec un sourire que je n’avais encore jamais vu sur son visage et que je ne reverrais plus. J’avais l’impression qu’il allait embrasser les voyants. Il a reconnu Marija, mais a confondu Jakov avec Ivan. Une poignée de main chaleureuse a suivi. Il ne s’adressait plus à moi avec Madame mais Daria. J’étais agréablement surprise.
Nous sommes entrés dans la demeure et nous nous sommes assis dans le parloir. « Daria, pourquoi êtes-vous venus, pourquoi les as-tu amenés ? » « Nous sommes, votre Excellence, vos trois rois mages. Nous vous avons apporté des cadeaux pour votre jubilé ». Nous avons défait les cadeaux et les lui avons remis. Il n’a pas fait de commentaires, mais sur son visage se lisaient l’étonnement et l’émotion. Ensuite, l’évêque s’est adressé à Marija et à Jakov leur demandant s’ils étaient au courant des normes qu’ils devront désormais respecter. Ils ont répondu joyeusement qu’ils savaient et Marija a ajouté : « Il était plus que temps de faire bouger les choses ». J’ai également exprimé mon contentement de voir Medjugorje désormais intégré à une Église qui se chargera de sa conduite pastorale.
La conversation a continué, mais nous n’étions pas d’accord sur tout. Je me disais en moi-même qu’il fallait trouver un terrain d’entente. L’évêque a alors commencé à parler de ses souffrances et des épreuves subies à cause de Medjugorje. « On m’attaque, on dit que je suis fou, obsédé… » J’ai prié pour que nous trouvions un terrain d’entente et ce terrain se trouvait être ce que l’évêque exprimait le premier, c’est-à-dire l’incompréhension, les attaques, les condamnations… « C’est vrai, votre Excellence, quand vous dites avoir beaucoup souffert. Ces jeunes qui sont ici devant vous ont aussi beaucoup souffert à cause de Medjugorje. On dit qu’ils sont fous, psychiquement malades, menteurs, manipulateurs, mais ils continuent d’affirmer voir la Vierge. Moi-même, dans mon travail en tant qu’accompagnatrice de pèlerins, je suis exposée aux moqueries et aux rejets. Nous avons cela en commun. Nous souffrons pour Medjugorje alors, prions le Seigneur par l’intercession de Marie de bénir notre souffrance. Devant vous se trouve deux jeunes, beaux et en santé, tout deux en paix et joyeux, alors demandez-leur de vous raconter leur expérience des apparitions. Ils affirment voir la Vierge. » Il lui était visiblement difficile d’établir un contact personnel plus profond. J’ai senti que quelque chose, qu’il ne pouvait surmonter, l’en empêchait.
Depuis les premiers jours, alors qu’il parlait avec bienveillance des voyants et savait les écouter, tant de choses se sont accumulées et lui ont ôté la liberté de réagir spontanément. Midi a alors sonné. Nous sommes demeurés en silence, avons prié l’Angélus et conclu ainsi notre rencontre. En raccompagnant les jeunes, il leur a demandé quels étaient leurs plans de vie puis nous a tous salués cordialement. Les jeunes ont promis de revenir avec les autres voyants. L’évêque a signifié qu’il serait heureux de les recevoir tous. Il n’y a jamais eu d’autres rencontres par la suite, mais dans l’obéissance, l’humilité, l’amour, la volonté de s’écouter et la persévérance dans la prière d’un côté comme de l’autre, une chose semblable pourrait à nouveau se produire.
Mes deux rencontres avec l’évêque se sont terminées par la prière sans que cela fût planifié. La première, avec les franciscains, par le chant du Magnificat et la seconde, avec les voyants, par l’Angélus. Marie était avec nous et a intercédé pour nous. Et elle est toujours parmi nous.