Article de presse
Source
Daria Klanac, « Une expérience de foi », L’Homme Nouveau, N° 1518, LXVIe année, 19 mai 2012, pages 4 à 6.
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Je suis née en Croatie. À l’âge de 18 ans, j’ai quitté mon pays d’origine pour la France, puis le Québec où j’ai été régulièrement informée des évènements de Medjugorje par le pasteur de la mission croate catholique à Montréal. Je me suis rendue pour la première fois à Medjugorje en 1984 et, depuis, plus de 100 fois. J’y ai fait la connaissance de l’abbé Laurentin. Spécialiste de Lourdes, journaliste, théologien et mariologue, il était sur place pour faire des recherches ; il avait besoin de quelqu’un qui parle croate et m’a introduite chez les voyants. J’observais, j’écoutais et me passionnais à mon tour pour la recherche. Je découvris alors les entrevues enregistrées sur cassettes audio lors des premiers jours des apparitions. Le curé de l’époque, Jozo Zovko, y interroge les voyants, chacun à son tour puis tous ensemble. J’étais émerveillée de l’authenticité et de la spontanéité des enfants. C’est ainsi que j’ai commencé à connaître, à la source même, l’histoire des évènements. Ces sources premières sont à la base de toutes les recherches publiées dans mes trois livres.
Croire aux apparitions n’est pas et ne sera jamais un dogme, car nous avons déjà reçu toute la révélation dans le Christ. En toute liberté, certains acceptent le message de Marie qui vient de là pour des raisons valables, d’autres le rejettent en apportant des objections. Les voyants de Medjugorje ont été soumis à des tests par un nombre impressionnant d’experts en théologie, psychologie, psychiatrie, psychoneurophysiologie, médecine générale, psychanalyse, ophtalmologie, médecine interne… Ils ont conclu à l’équilibre physique et mental des voyants, mais c’est à l’Église d’aller plus loin. Depuis le début, elle suit attentivement les évènements de Medjugorje. J’admire sa sagesse, son respect envers ce lieu et ses acteurs, et son souci de ne pas éteindre l’Esprit. Elle prend le temps de discerner, ce qui est la meilleure attitude pour permettre à l’évènement de se prouver par lui-même, de durer dans le temps ou de disparaître.
Les deux évêques dont dépend la paroisse de Medjugorje, Mgrs Pavao Zanic et Ratko Peric, l’un à la suite de l’autre, ont exprimé leur position. Or, il y a peu d’apparitions comme celles de Medjugorje où l’on a passé outre le constat de l’Ordinaire du lieu. Mgr Tarcisio Bertone écrit à ce propos : « Ce que S. Exc. Mgr Peric (évêque actuel) a affirmé (“ma conviction et position n’est pas seulement un non-constat de supernaturalitate, mais également celle d’un constat de non supernaturalitate des apparitions et révélations de Medjugorje”) doit être considéré comme l’expression d’une conviction personnelle de l’évêque de Mostar, lequel, en tant qu’Ordinaire du lieu, a toujours le droit d’exprimer ce qui est et demeure un avis qui lui est personnel. » Dans le cas de Medjugorje, l’évêque du lieu a fait précisément ce qui était en son devoir et pouvoir et il en a informé le Saint-Père à chaque étape de son enquête. En 1982 déjà, Mgr Zanic a soumis un rapport au Saint-Siège. À cette occasion, on lui a recommandé de ne pas se hâter pour émettre un jugement. Cependant, en 1986, il s’est rendu à Rome pour déposer une déclaration de jugement négatif sur Medjugorje. Le cardinal Ratzinger l’a jugée précipitée et ne l’a pas acceptée. L’année suivante, en 1987, le cardinal Franjo Kuharic, président de la Conférence épiscopale de l’ex-Yougoslavie, a annoncé la formation d’une Commission afin de poursuivre l’étude sur les évènements de Medjugorje. Le travail d’investigations de cette Commission aboutit en avril 1991 à la « Déclaration de Zadar ». C’est le document le plus important jamais émis sur les faits de Medjugorje, toujours en vigueur. Cette déclaration comporte cinq volets :
1. Les évêques suivent les événements depuis le début.
2. Ils ne portent pas de jugement définitif sur leur caractère surnaturel. Ni constat de supernaturalitate ni constat de non supernaturalitate, mais simplement un non constat de supernaturalitate.[*]
3. Les évêques reconnaissent des rassemblements importants de fidèles en ce lieu, et manifestent à cet égard un souci pastoral.
4. Ils s’engagent à suivre les évènements dans leur ensemble.
5. Les pèlerinages privés ne sont pas interdits et l’accompagnement des fidèles est considéré comme un devoir pastoral.
Depuis mars 2010, le Vatican a formé une Commission internationale de 17 membres sous l’autorité du cardinal Camillo Ruini. La Commission travaille dans la confidentialité, mais on sait qu’elle est présente à Medjugorje et qu’elle a déjà interrogé quatre voyants sur six, ainsi que le père Jozo Zovko, curé de la paroisse au tout début des apparitions.
Il est important de lire les messages dans leur contexte historique, sociologique, culturel et religieux en lien avec le milieu de vie de ceux par qui le message est transmis. Les personnes qui bénéficient de ce don de vision prophétique sont comme des récepteurs de messages qu’ils annoncent au peuple de Dieu pour les mettre en pratique. Souvent leurs propres fréquences se mêlent à cet écho et il faut en tenir compte. Il serait souhaitable de chercher le sens des messages et leur cohérence dans cette optique, car ils constituent l’un des critères d’évaluation de l’authenticité d’une apparition. La difficulté d’interpréter les messages n’est pas nouvelle. Les écrits des plus grands saints n’en sont pas toujours exempts. C’est pourquoi la pratique du discernement des esprits permet de faire la part des choses. En 1983, un membre de la commission épiscopale, le père Radogost Grafenauer, jésuite slovène, docteur en discernement des esprits, à la demande de l’évêque de Mostar, s’était penché sur la lecture des messages, surtout les plus controversés. Il s’agit des messages destinés à l’évêque en rapport avec les deux chapelains de Mostar où la Vierge aurait pris part pour les deux jeunes franciscains contre l’évêque. Voici ce que le père Grafenauer en dit : « Voici quelques faiblesses dans le discernement des esprits. La Conférence épiscopale de Yougoslavie n’a pas séparé dans les déclarations des voyants la graine de son écorce. Elle n’a pas distingué entre ce qu’on pouvait et ce qu’on ne pouvait pas attribuer à Gospa. En février 1983, j’ai averti par écrit l’évêque Zanic sur la préoccupation exagérée de Vicka à l’égard des chapelains Vego et Prusina. Je lui ai rappelé que la Vierge avait mis Vicka en garde contre ce défaut, ce que Vicka a reconnu… Les messages que Marija a reçus tous les jeudis, de 1984 à 1987, puis chaque 25 du mois, sont différents : ces messages sont en accord avec le regard de la foi. Pour cela, nous pouvons les attribuer à l’Église, à Dieu, à Notre Dame, et les évaluer sur le plan surnaturel. »
Quant aux franciscains de la paroisse, dépassés par l’évènement, ils se sont surtout consacrés à la pastorale. Un extrait de la Chronique paroissiale à la page 141 en date du 4 juin 1983, nous révèle ce que vit la paroisse à cette époque-là : « En effet, ils se trompent ceux qui s’attendent à ce que Gospa prenne le rôle de l’Église ici, sur terre en l’occurrence, qu’elle assume la tâche de guider spirituellement les voyants. Ils ont besoin d’attention maximale et de soutien, car ils ont des défauts comme tout le monde… Ici, nous n’avons pas réussi à leur prodiguer assez d’attention. Ils sont dispersés : Mirjana à Sarajevo, et nous la voyons rarement, Ivan à Dubrovnik, Ivanka et Marija à Mostar. Ils ne viennent que de temps à autre. Vicka et Jakov sont ici, mais ils sont très accaparés par le travail, les pèlerins, les curieux, entre autres Jakov va à l’école. Nous manquons de prêtres réguliers qui pourraient s’occuper de leur direction spirituelle… Dommage ! ». Cet aveu, en outre, décharge les franciscains de manipuler les enfants, ce dont ils sont accusés à tort et à travers.
Il n’y a aucune règle dans le droit canon qui indique que les personnes désignées par Dieu pour transmettre des messages au monde devraient opter pour la vie religieuse. La meilleure pédagogie s’est montrée être celle de la Vierge. Par-dessus tout, elle respecte la liberté de chacun comme étant le don le plus précieux accordé à l’être humain. Les voyants de Medjugorje ont compris son désir de consacrer leur vie à la religion, mais se sont sentis libres de faire leur propre choix. La réflexion de Jakov sur le mariage vaut pour tous : « J’ai choisi le mariage ; c’est un grand sacrement plein de responsabilités qui me donne des chances de me sanctifier tout autant. » Malgré les persécutions et la non-reconnaissance, les voyants ont gardé l’amour de l’Église et lui restent fidèles.
Le groupe des voyants de Medjugorje n’est pas homogène. Ils ont chacun leur propre personnalité bien en vue. S’il y a des différences dans la façon dont ils vivent et expriment leurs expériences d’apparition c’est un bon signe, sinon on pourrait penser qu’ils ont tous appris une même leçon par cœur. Pour l’essentiel, ils sont en accord aussi bien dans la transmission du message que dans la description de l’apparition. Ils décrivent la Vierge comme une jeune personne habillée de la même manière sauf pour les grandes fêtes. Elle arrive précédée par trois éclairs successifs de lumière et s’est présentée comme étant la Bienheureuse Vierge Marie. Elle leur parle en croate et les salue toujours par « Loué soit Jésus ! » au début de l’apparition et par « Allez dans la paix de Dieu ! » à la fin de la rencontre. Elle donne des messages pour la paroisse et le monde.
C’est effectivement inhabituel. S’il s’agit de la Mère de Dieu, fidèle, persévérante, humble, aimante, généreuse, qui choisit une paroisse afin de la guider, elle ne regarde pas le temps qui passe, mais plutôt le but et la qualité de sa présence. Dans cette pédagogie de la lenteur de Dieu par Marie, se révèlent l’amour et l’espérance. Des faits intéressants surgissent sur la durée, l’heure et le nombre de personnes lorsqu’on regarde l’histoire des apparitions mariales. À Lourdes, la Vierge apparaît 18 fois, le matin, à une personne. À Fatima, annoncée par un ange, elle apparaît de mai à octobre, le 13 du mois sauf en août, le midi, à trois jeunes. À Medjugorje, l’apparition a lieu le soir. Trois des six voyants affirment encore la voir chaque jour depuis 30 ans. Le pape Jean-Paul II disait, lors de sa rencontre avec les membres la Conférence épiscopale de l’océan Indien en 1993 à Rome : « Pour beaucoup, il y a un problème avec Medjugorje, avec les apparitions qui durent depuis trop longtemps. On ne comprend pas, mais le message est délivré dans un contexte particulier : il correspond à la situation du pays. Le message insiste sur la paix, sur les relations entre catholiques, les orthodoxes, les musulmans. Il y a là une clef pour comprendre ce qui se passe dans le monde et son avenir. »
Dans les archives de Medjugorje, il y a un nombre considérable de dossiers sur les guérisons miraculeuses, documentés par les cliniques et signés par les médecins de personnes qui ont vécu une guérison à Medjugorje ou en lien avec ces apparitions. J’ai entendu les témoignages saisissants de gens qui ont bénéficié des grâces particulières. Je suis témoin de nombreux changement de vie vécus dans mes propres groupes de pèlerins : conversion, guérison intérieure, réconciliation, libération de toutes sortes de dépendances et bien d’autres. Tout cela, avant d’être authentifié, sera examiné en profondeur par les autorités compétentes. Enfin, même si pour certains Medjugorje est considéré comme un mythe, c’est pour moi une réalité qu’on ne devrait pas prendre à la légère. En plus de faire des recherches sur le phénomène, j’ai vécu là une expérience de foi profonde. Je raconte, à ma manière, ce que j’ai vu et entendu. Mon adhésion au mouvement spirituel né à Medjugorje, que je considère comme une grande grâce pour le monde d’aujourd’hui, ne m’empêchera pas d’accueillir la décision finale de l’Église, quelle qu’elle soit.
Daria Klanac
* Lexique :
Constat de supernaturalitate : il est attesté que les faits ont une origine surnaturelle.
Non constat de supernaturalitate : l’origine surnaturelle des faits n’est pas encore reconnue ou invalidée. L’Église peut continuer l’examen des faits, notamment par une commission spéciale, ce qui a été le cas pour Medjugorje avec la mise en place de la commission d’enquête internationale.
Constat de non supernaturalitate : il est attesté que les faits n’ont pas une origine surnaturelle. [↩]